Les entreprises multinationales (EMN) utilisent des communiqués de presse pour informer leurs clients internationaux de leurs activités de marketing, produits, services ou résultats financiers. Ces communications sont généralement rédigées en anglais des affaires universel (business English as a lingua franca, BELF, considérée comme une langue différente de la langue maternelle anglaise) au lieu de leur langue nationale.
Par exemple, les multinationales allemandes (SAP, E.ON, RWE, etc.) ou françaises (EDF, Sanofi, Alcatel-Lucent, etc.) publient leurs communiqués en anglais. Même les multinationales britanniques (BP, Vodafone Group, BT Group, etc.) et américaines (Intel, IBM, Apple, etc.) utilisent le BELF comme langue standard pour dialoguer avec leurs parties prenantes à l’international.
Cependant, malgré cette base linguistique commune, le pays d’origine de la multinationale forme l’architecture du style qui affecte la manière dont leurs communiqués de presse sont rédigés. C’est l’une des conclusions de notre récente étude qui a utilisé un logiciel d’analyse de l’utilisation des mots (LIWC) pourtant sur plus de 2 000 communiqués rédigés par 86 multinationales britanniques, américaines, françaises et allemandes.
Complexité ou émotion
Nos résultats montrent notamment que les multinationales américaines et allemandes mettent davantage l’accent sur la complexité et la profondeur de l’analyse (le « traitement cognitif ») que les multinationales britanniques et françaises.
Par exemple, l’entreprise américaine d’informatique Dell a publié le communiqué suivant en 2017 pour présenter une nouvelle solution de sécurité informatique.
Au travers des termes comme « parce que » (because) ou « en plus de » (in addition to – certains termes relevés n’apparaissent pas dans les captures d’écran présentées), le communiqué élabore des idées et des causalités. Le texte incorpore ainsi une profondeur analytique qui transparaît notamment dans les formulations « isolé de » (isolated from), ou « aider… contre » (help… against). En outre, l’utilisation des mots « intégrer » (integrate), « permettre » (enable) et « créer » (creating) incite les lecteurs à réfléchir sur le lien entre les différents éléments du texte, ce qui augmente le niveau de complexité. Par conséquent, le texte renvoie l’image d’une entreprise qui fournit des produits et services hautement sécurisés.
Quant aux multinationales britanniques et allemandes, leurs communications mobilisent davantage le registre de l’émotion – contrairement à celles de leurs homologues françaises. Les entreprises américaines ont, de leur côté, plus tendance à adopter un ton impersonnel et distant.
Par exemple, British Petroleum Company, BP, a publié en septembre 2023 le communiqué de presse suivant, qui concerne l’ouverture du plus grand centre public de recharge de véhicules électriques du Royaume-Uni à Birmingham.
Notons d’abord que le texte intègre une citation d’un partenaire – une pratique répandue outre-Manche – qui véhicule l’identité et affiche des connotations émotionnelles. En outre, on retrouve des termes comme « meilleur » (best), « idéal » (ideal), « fier » (proud), « excitant » (exciting), « impressionnant » (impressive) ou encore « rassurant » (reassuring). Ce stimulus émotionnel vise à traduire le niveau de sensibilisation de l’entreprise sur les enjeux de développement durable.
Comme on a pu le voir dans le cas de BP, les multinationales britanniques font souvent référence à leurs partenaires. A contrario, les multinationales françaises et allemandes minimisent leur présence dans leurs communications.
Par exemple, la multinationale britannique de services de communication, BT Group, a publié le communiqué de presse suivant en septembre 2023 sur la rénovation de leurs bureaux en Écosse :
À travers les termes « membres » (members), « collègues » (colleagues) ou encore « partie de » (part of), le texte reflète l’interdépendance de l’entreprise avec ses partenaires. Par conséquent, ces mots à connotation sociale amènent les destinataires, c’est-à-dire les clients ou les investisseurs potentiels, à faire le lien avec l’engagement de l’entreprise vis-à-vis de l’ensemble de la société.
Même si les multinationales britanniques, allemandes et françaises partagent les mêmes cultures européennes, les styles linguistiques des approches cognitives et émotionnelles, le ton de la communication pour montrer la distance psychologique et l’orientation sociale n’affichent donc pas nécessairement des styles linguistiques identiques.
Quelles réactions chez les destinataires ?
Mais comment réagissent les destinataires de cette communication ? Pour en savoir plus, nous avons créé quatre versions différentes d’un communiqué pour analyser les attitudes de plus de 1 000 investisseurs/clients potentiels dans les quatre pays en question (Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne, France). Leurs réactions à l’égard des communiqués de presse ont globalement confirmé que les différentes pratiques répondaient bien aux attentes des destinataires.
C’est en effet le public britannique qui a montré l’attitude la moins positive à l’égard des communiqués de presse qui utilisent des mots pour expliquer des informations complexes ou analysent profondément une situation – ce que les entreprises du Royaume-Uni évitent, comme nous l’avons vu. De la même manière, le public allemand a montré l’attitude la plus positive à l’égard des communiqués de presse à caractère émotionnel – ce dont ne se privent pas les organisations germaniques. En revanche, comme attendu après l’étude des communications, le public français est celui qui préfère le moins le style émotionnel.
En conclusion, les résultats soulignent le caractère unique de la culture nationale et séparent la langue de cette culture : en effet, l’origine de la multinationale influe sur le style linguistique de l’utilisation d’une même langue pour communiquer, en l’occurrence le Business English as a Lingua Franca (BELF).
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